Le Conseil ConstitutionnelLes origines du CCLa France a été longtemps rétive à la mise en place d'un contrôle de constitutionnalité des lois, contrôle jugé attentatoire à l'idéal démocratique. Cette hostilité est ancrée dans l'histoire philosophique et politique du pays :
Cette opposition initiale fondée sur un idéal démocratique et la peur d'un gouvernement des juges s'est cependant heurtée à la volonté d'achever l'édification d'un Etat de droit qui nécessite la mise en place d'un contrôle de constitutionnalité : en effet, pour que l'Etat soit soumis au Droit, il faut assurer la primauté de la norme suprême adoptée par le peuple. Deux approches conceptuelles du contrôle de constitutionnalité ont été dégagées :
Un Comité constitutionnel a été créé par la Constitution de 1946. C'est la première véritable tentative de cour constitutionnelle en France (certes le Sénat était sous le Consulat, le Premier et le Second Empire, chargé du contrôle de constitutionnalité et pouvait à ce titre bloquer le vote d'une loi mais il ne s'apparentait pas du tout à un organe juridictionnel). Cette première tentative s'est avérée très peu concluante parce que trop prudente - sa dénomination même traduit la volonté de limiter ses pouvoirs :
Lorsque le Conseil constitutionnel est créé en 1958 par la Constitution instituant la cinquième République, il n'est pas non plus conçu comme une véritable cour constitutionnelle. Dans l'esprit des constituants, il a pour fonction d'assurer le rôle que certains ont qualifié de « chien de garde de l'exécutif » - c'est-à-dire de vérifier, lorsqu'une loi lui est déférée, que le Parlement n'empiète pas sur le champ de compétence du Gouvernement -, et non pas de contrôler la conformité des lois aux droits et libertés. D'ailleurs, pour les auteurs de la Constitution, le préambule de la Constitution de 1958, qui renvoie au préambule de la Constitution de 1946 et aux droits énoncés dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, n'a pas valeur constitutionnelle. Pour reprendre une expression doctrinale utilisée aujourd'hui pour désigner les normes de référence du contrôle de constitutionnalité : le préambule de la Constitution ne fait pas partie du bloc de constitutionnalité en 1958. Allant à l'encontre de l'intention des constituants, le Conseil constitutionnel a fini par s'auto-consacrer comme véritable cour constitutionnelle en annulant en 1971 une loi jugée contraire au principe de la liberté d'association (décision du 16 juillet 1971 dite « liberté d'association »). Dans sa décision, il vise en effet le préambule de la Constitution auquel il donne une valeur constitutionnelle au même titre que le corps même de la Constitution. Plus que 1958, 1971 peut par conséquent être considérée comme l'année de naissance du Conseil constitutionnel moderne. Sa place dans la vie publiqueArbitre des conflits entre l'Exécutif et le Parlement, la majorité parlementaire et l'opposition, le Conseil constitutionnel se voit reprocher aujourd'hui son omniprésence, critique souvent résumée par l'accusation de « gouvernement des juges ». C'est dire que sa place dans la vie publique a fortement évolué depuis 1958, date de sa création. Dans l'esprit des constituants, son rôle devait surtout consister à défendre le champ de compétence du Gouvernement contre les empiétements du Parlement : en vertu de la Constitution de 1958, le Gouvernement détient, par l'exercice du pouvoir réglementaire, une compétence de principe dans tous les domaines qui ne sont pas énumérés dans l'article 34 de la Constitution qui définit le domaine de la loi ; le Conseil peut être saisi par le Gouvernement pour faire respecter cette répartition des pouvoirs. Instrument du parlementarisme rationalisé voulu par le Général de Gaulle, le Conseil constitutionnel avait ainsi pu être qualifié de « chien de garde de l'Exécutif ». Au début des années 1970, le Conseil constitutionnel s'est totalement émancipé du rôle qui lui avait été assigné :
Conçu comme une arme du gouvernement contre le Parlement, le Conseil est devenu une arme de l'opposition contre la majorité politique. En amont, l'opposition se sert de la menace de la saisine pour faire modifier les textes discutés et utilise, en aval, son droit de saisine afin de faire censurer toute disposition qui lui paraît attentatoire aux droits et libertés. Ainsi, à chaque alternance politique, le Conseil constitutionnel apparaît désormais comme un contre-pouvoir fort capable de servir de frein à tous les excès législatifs des majorités installées. Par exemple :
Ce faisant, le Conseil constitutionnel est régulièrement accusé d'exercer un « gouvernement des juges ». Il lui est reproché d'interpréter trop librement la Constitution et de s'instituer en chambre d'appel du Parlement sans en avoir la légitimité démocratique. Le Conseil s'est pourtant imposé des limitations afin de justifier sa fonction. Par une décision du 15 janvier 1975, il a indiqué que son rôle n'était pas de faire prévaloir son opinion sur la volonté du législateur, car la Constitution ne lui attribue pas « un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen ». Par sa décision du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République, il a indiqué que le contrôle des lois adoptées par le peuple à la suite d'un référendum est exclu, parce que de telles lois « constituent l'expression directe de la Souveraineté nationale ». Par ailleurs, l'accusation de « gouvernement des juges » formulée sans surprise par toute majorité politique qui voit une de ses lois censurée n'est pas toujours très honnête : il arrive en effet que le Gouvernement fasse voter une loi dans un domaine sensible afin de montrer à l'opinion publique sa détermination, tout en connaissant les risques de censure de telle ou telle disposition de cette loi ; la censure effective permet ensuite de faire du Conseil constitutionnel un salutaire bouc émissaire coupable d'entraver l'action du Gouvernement et du Parlement. Le Conseil constitutionnel redevient alors, de manière involontaire et à ses dépens, une arme du Gouvernement : c'est la critique qui a pu être faite, à tort ou à raison, des récentes lois sur la modernisation sociale et sur la Corse dont les censures partielles par le Conseil constitutionnel en janvier 2002 ont fait l'objet de virulentes attaques de la part de la majorité politique. Pour atténuer les critiques et renforcer sa légitimité en tant qu'acteur désormais incontournable de la vie publique, des réformes visant à faire évoluer le Conseil constitutionnel vers une véritable juridiction peuvent utilement être menées. Au-delà même de la réforme de son mode de saisine sur laquelle s'est longtemps polarisé le débat doctrinal (ouvrir ou non sa saisine aux citoyens par le mécanisme de l'exception d'inconstitutionnalité), il apparaît utile d'engager la réforme de sa composition (établir une condition de compétence pour les membres nommés) et surtout de rendre plus transparente la procédure utilisée afin de limiter tout soupçon de partialité : notamment rendre l'audience publique (le délibéré restant bien sûr secret) et publier le nom du rapporteur. StatutLe statut des membres du Conseil constitutionnel vise à garantir l'impartialité des décisions qui sont rendues. Par le serment qu'ils sont tenus de prêter devant le président de la République, les membres du Conseil constitutionnel s'engagent notamment à remplir correctement leur mission, à garder le secret sur les délibérations et les votes même après leur mandat, à ne prendre aucune position publique ayant fait ou susceptible de faire l'objet d'une décision du Conseil. Cette dernière obligation vise à garantir leur indépendance vis-à-vis de l'opinion publique. L'indépendance des membres du Conseil vis-à-vis du pouvoir politique est garantie :
Les membres du Conseil constitutionnel bénéficient d'une certaine indépendance financière. Ils reçoivent une indemnité égale aux traitements les plus élevés de la fonction publique. |
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