jeudi 21 novembre 2024   -   07 : 47 : 01  

Le Conseil Constitutionnel

Les origines du CC

La France a été longtemps rétive à la mise en place d'un contrôle de constitutionnalité des lois, contrôle jugé attentatoire à l'idéal démocratique. Cette hostilité est ancrée dans l'histoire philosophique et politique du pays :

  • En vertu d'une conception rousseauiste de la Souveraineté, on a longtemps estimé que la loi, expression de la volonté générale, ne pouvait en aucun cas être soumise au contrôle d'une instance juridictionnelle.
  • De plus, il existe en France une méfiance historique à l'égard des juges, qu'on impute généralement au comportement arbitraire des magistrats des parlements d'Ancien Régime attachés aux privilèges et s'opposant aux réformes qui visaient à les réduire (méfiance que traduit l'adage : « Dieu nous garde de l'équité des parlements »).

Cette opposition initiale fondée sur un idéal démocratique et la peur d'un gouvernement des juges s'est cependant heurtée à la volonté d'achever l'édification d'un Etat de droit qui nécessite la mise en place d'un contrôle de constitutionnalité : en effet, pour que l'Etat soit soumis au Droit, il faut assurer la primauté de la norme suprême adoptée par le peuple.

Deux approches conceptuelles du contrôle de constitutionnalité ont été dégagées :

  • La Cour suprême des Etats Unis d'Amérique, en acceptant d'exercer le contrôle de constitutionnalité d'une loi à l'occasion d'un litige, a dégagé une approche pragmatique : il s'agit d'assurer l'effectivité de la primauté de la Constitution dès que l'occasion se présente (arrêt Marbury versus Madison, 1803).
  • Kelsen, dans son ouvrage majeur Une théorie pure du droit (1934), a dégagé une approche théorique et procédurale : la norme suprême se définit comme l'hypothèse à partir de laquelle les normes trouvent leur source ; toutes les normes tirent leur validité de leur conformité à la norme qui leur est immédiatement supérieure ; par conséquent, il faut pouvoir assurer que la loi est conforme à la Constitution au moment même où elle est votée.
  • L'approche américaine, en vertu de laquelle tout juge est compétent pour examiner la constitutionnalité d'une loi, était impensable en France : l'adopter revenait à rendre caduque le principe selon lequel les juges ne sont que « la bouche qui prononce les paroles de la loi » (Montesquieu, L'esprit des lois).
  • Seul le modèle Kelsenien, qui prône la mise en place d'une cour constitutionnelle unique, paraissait en mesure de concilier l'impératif démocratique et l'achèvement de l'Etat de droit.

Un Comité constitutionnel a été créé par la Constitution de 1946. C'est la première véritable tentative de cour constitutionnelle en France (certes le Sénat était sous le Consulat, le Premier et le Second Empire, chargé du contrôle de constitutionnalité et pouvait à ce titre bloquer le vote d'une loi mais il ne s'apparentait pas du tout à un organe juridictionnel).

Cette première tentative s'est avérée très peu concluante parce que trop prudente - sa dénomination même traduit la volonté de limiter ses pouvoirs :

  • ses pouvoirs étaient très limités : comme l'indique son nom, comité plutôt que cour ou conseil ou tribunal, le comité constitutionnel n'était pas une véritable juridiction mais plutôt un organe de conciliation entre les deux chambres, Assemblée nationale et Conseil de la République ; en outre, la Constitution de 1946 énonçait expressément qu'il ne pouvait pas contrôler la conformité d'une loi aux droits et libertés contenus dans le préambule de la Constitution ;
  • la saisine du Comité était très difficile : elle devait être faite de manière conjointe par le Président de la République et le Conseil de la République ; il n'y a d'ailleurs eu qu'une seule saisine du Comité constitutionnel.

Lorsque le Conseil constitutionnel est créé en 1958 par la Constitution instituant la cinquième République, il n'est pas non plus conçu comme une véritable cour constitutionnelle. Dans l'esprit des constituants, il a pour fonction d'assurer le rôle que certains ont qualifié de « chien de garde de l'exécutif » - c'est-à-dire de vérifier, lorsqu'une loi lui est déférée, que le Parlement n'empiète pas sur le champ de compétence du Gouvernement -, et non pas de contrôler la conformité des lois aux droits et libertés.

D'ailleurs, pour les auteurs de la Constitution, le préambule de la Constitution de 1958, qui renvoie au préambule de la Constitution de 1946 et aux droits énoncés dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, n'a pas valeur constitutionnelle. Pour reprendre une expression doctrinale utilisée aujourd'hui pour désigner les normes de référence du contrôle de constitutionnalité : le préambule de la Constitution ne fait pas partie du bloc de constitutionnalité en 1958.

Allant à l'encontre de l'intention des constituants, le Conseil constitutionnel a fini par s'auto-consacrer comme véritable cour constitutionnelle en annulant en 1971 une loi jugée contraire au principe de la liberté d'association (décision du 16 juillet 1971 dite « liberté d'association »). Dans sa décision, il vise en effet le préambule de la Constitution auquel il donne une valeur constitutionnelle au même titre que le corps même de la Constitution.

Plus que 1958, 1971 peut par conséquent être considérée comme l'année de naissance du Conseil constitutionnel moderne.

Sa place dans la vie publique

Arbitre des conflits entre l'Exécutif et le Parlement, la majorité parlementaire et l'opposition, le Conseil constitutionnel se voit reprocher aujourd'hui son omniprésence, critique souvent résumée par l'accusation de « gouvernement des juges ». C'est dire que sa place dans la vie publique a fortement évolué depuis 1958, date de sa création.

Dans l'esprit des constituants, son rôle devait surtout consister à défendre le champ de compétence du Gouvernement contre les empiétements du Parlement : en vertu de la Constitution de 1958, le Gouvernement détient, par l'exercice du pouvoir réglementaire, une compétence de principe dans tous les domaines qui ne sont pas énumérés dans l'article 34 de la Constitution qui définit le domaine de la loi ; le Conseil peut être saisi par le Gouvernement pour faire respecter cette répartition des pouvoirs.

Instrument du parlementarisme rationalisé voulu par le Général de Gaulle, le Conseil constitutionnel avait ainsi pu être qualifié de « chien de garde de l'Exécutif ».

Au début des années 1970, le Conseil constitutionnel s'est totalement émancipé du rôle qui lui avait été assigné :

  • par sa décision du 16 juillet 1971, il a affirmé son ambition de devenir un pouvoir important en s'instituant en juridiction des droits et libertés capable de censurer une loi pour non conformité aux droits fondamentaux énoncés dans le préambule de la Constitution ;
  • la réforme constitutionnelle du 29 octobre 1974 lui a ensuite donné les moyens de son ambition en étendant le droit de saisine : désormais, soixante sénateurs ou soixante députés peuvent saisir le Conseil constitutionnel. Ceci a pour conséquence directe de donner le droit de saisine à la minorité politique dans chacune des deux assemblées.

Conçu comme une arme du gouvernement contre le Parlement, le Conseil est devenu une arme de l'opposition contre la majorité politique. En amont, l'opposition se sert de la menace de la saisine pour faire modifier les textes discutés et utilise, en aval, son droit de saisine afin de faire censurer toute disposition qui lui paraît attentatoire aux droits et libertés.

Ainsi, à chaque alternance politique, le Conseil constitutionnel apparaît désormais comme un contre-pouvoir fort capable de servir de frein à tous les excès législatifs des majorités installées. Par exemple :

  • en 1982, le Conseil constitutionnel censure la loi relative aux nationalisations adoptée par la majorité socialiste ;
  • en 1993, le Conseil constitutionnel censure les dispositions sur les droits d'entrée et de séjour des étrangers adoptée par la majorité de droite.

Ce faisant, le Conseil constitutionnel est régulièrement accusé d'exercer un « gouvernement des juges ». Il lui est reproché d'interpréter trop librement la Constitution et de s'instituer en chambre d'appel du Parlement sans en avoir la légitimité démocratique.

Le Conseil s'est pourtant imposé des limitations afin de justifier sa fonction. Par une décision du 15 janvier 1975, il a indiqué que son rôle n'était pas de faire prévaloir son opinion sur la volonté du législateur, car la Constitution ne lui attribue pas « un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen ». Par sa décision du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République, il a indiqué que le contrôle des lois adoptées par le peuple à la suite d'un référendum est exclu, parce que de telles lois « constituent l'expression directe de la Souveraineté nationale ».

Par ailleurs, l'accusation de « gouvernement des juges » formulée sans surprise par toute majorité politique qui voit une de ses lois censurée n'est pas toujours très honnête : il arrive en effet que le Gouvernement fasse voter une loi dans un domaine sensible afin de montrer à l'opinion publique sa détermination, tout en connaissant les risques de censure de telle ou telle disposition de cette loi ; la censure effective permet ensuite de faire du Conseil constitutionnel un salutaire bouc émissaire coupable d'entraver l'action du Gouvernement et du Parlement. Le Conseil constitutionnel redevient alors, de manière involontaire et à ses dépens, une arme du Gouvernement : c'est la critique qui a pu être faite, à tort ou à raison, des récentes lois sur la modernisation sociale et sur la Corse dont les censures partielles par le Conseil constitutionnel en janvier 2002 ont fait l'objet de virulentes attaques de la part de la majorité politique.

Pour atténuer les critiques et renforcer sa légitimité en tant qu'acteur désormais incontournable de la vie publique, des réformes visant à faire évoluer le Conseil constitutionnel vers une véritable juridiction peuvent utilement être menées.

Au-delà même de la réforme de son mode de saisine sur laquelle s'est longtemps polarisé le débat doctrinal (ouvrir ou non sa saisine aux citoyens par le mécanisme de l'exception d'inconstitutionnalité), il apparaît utile d'engager la réforme de sa composition (établir une condition de compétence pour les membres nommés) et surtout de rendre plus transparente la procédure utilisée afin de limiter tout soupçon de partialité : notamment rendre l'audience publique (le délibéré restant bien sûr secret) et publier le nom du rapporteur.

Statut

Le statut des membres du Conseil constitutionnel vise à garantir l'impartialité des décisions qui sont rendues.

Par le serment qu'ils sont tenus de prêter devant le président de la République, les membres du Conseil constitutionnel s'engagent notamment à remplir correctement leur mission, à garder le secret sur les délibérations et les votes même après leur mandat, à ne prendre aucune position publique ayant fait ou susceptible de faire l'objet d'une décision du Conseil. Cette dernière obligation vise à garantir leur indépendance vis-à-vis de l'opinion publique.

L'indépendance des membres du Conseil vis-à-vis du pouvoir politique est garantie :

  • par le caractère non renouvelable de leur mandat ;
  • par un régime d'incompatibilité défini par la loi organique du 19 janvier 1995 : les fonctions de membres du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec celles de ministre, de membre du Parlement et du Parlement européen, de membre du Conseil économique et social, et avec tout mandat électoral.

    Les membres du Conseil sont aussi soumis au même régime d'incompatibilités professionnelles que les parlementaires. Ils ne peuvent pas, par exemple, exercer des fonctions de direction dans une entreprise privée ou nationale. Il leur est également interdit d'exercer une fonction de responsabilité ou de direction au sein d'un parti politique ;
  • par la pratique de nommer au Conseil Constitutionnel des personnalités en fin de carrière.

Les membres du Conseil constitutionnel bénéficient d'une certaine indépendance financière. Ils reçoivent une indemnité égale aux traitements les plus élevés de la fonction publique.


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